Ces quelques remarques et cet inventaire sont à peine esquissés ,et leur actualisation demande bien plus encore de travail et de vigilance .C ‘est pourquoi je serait heureux que ces quelques lignes débutent un travail collectif de réflexion et d’apports sur ce sujet si, du moins ,quelqu’un y trouve quelque intérêt. Toutes contributions bienvenues… merci
Les mots du prêt à penser
" Le but du novlangue était non seulement de fournir un mode d’expression aux idées générales et aux habitudes mentales des dévots de l’angsoc, mais de rendre impossible tout autre mode de pensée. Il était entendu que lorsque le novlangue serait une fois pour toute adopté, et que l’ancilangue serait oubliée, une idée hérétique –c’est à dire une idée s’écartant des principes de l’angsoc- serait littéralement impensable, du moins dans la mesure où la pensée dépend des mots. "
G.ORWELL " 1984 " (écrit en 1950)
" Très souvent, les mots des individus sont empruntés au groupe dominant, ils charrient avec eux le sens de cette domination, et l’acceptation de celle-ci. "
KEZABURÔ Ôe ,Le Monde diplo décembre 98.
" Je préfère le musellement au décervelage "
Brève de comptoir
Situation et inventaire
La pensée finale.
La pensée unique n’est pas une " pensée seule " mais bien une mise en place de la seule pensée, du " pensable ".
Elle correspond à une représentation à une seule dimension de la réalité, dans laquelle le moindre signe de dissidence est de plus en plus éloignée, médiatisé (représenté), puis noyé dans des concepts désincarnés.
A la pensée unique, dominante puisque unique pensée, correspondent un langage et une langue unique. A la façon du novlangue d’Orwell , la langue unique à pour fonction d’édifier et de consolider l’édifice d’illusions constituant l’idéologie miroitante et glacée de notre époque.
Le langage unique ainsi constitué,
interdit, par sa nature, de percevoir et encore moins de
concevoir une alternative ou un projet autre que ce qui semble
être l’état naturel et inéluctable du monde. C’est
grâce à cet éblouissement sémantique, cette impossibilité à
se distancier, que le langage unique s’érige et se
perpétue comme porteur d’un solide système de sens et de
valeurs auto-légitimé et monolithique, les valeurs de
l’idéologie néo-libérale, on s’en doute qui
constituent aujourd’hui le Spectacle lisse et
massif de notre société post- moderne.
Comment se présentent les mots de la langue unique ?
Les mots et les concepts de la langue unique semblent apparaître par génération spontanée dans le(s) discours mais ils sont plutôt instillés par les médias : Journaux, télé, presse magasine, quotidiens régionaux, etc. qui contribuent à diffuser rapidement leur usage, répété et quotidien condition indispensable à leur pénétration et à leur " acclimatation ".
A la manière d’un cheval de Troie les mots de la langue unique agissent comme les virus informatiques : introduits à faible dose dans le discours du moment le virus se développe et colonise l’informulé, éradiquant ainsi toute autre possibilité de formulation différente.
L’attraction du mot et de son
sens, tout d’abord présent, puis installé dans le social,
suffit ensuite à gauchir vers le sens commun une pensée encore
en quête de mots.
Existe-t-il une guerre ou même un conflit lexical ?
Le conflit existe bien mais sur des
fronts dispersés étant donné l’universalité de la
langue. La langue des banlieues, les langues régionales
contemporaines en sont les signes .Mais sont-elles des
armes ?
Si les mots sont des armes, l’ennemi est bien la langue de l’aliénation ,issue d’une entreprise d’aliénation de la langue ,dont les processus et la mécanique nous sont tout à fait familiers mais demeurent obscurs.
Nous sommes ainsi les porteurs des
mots du prêt à penser ; nous ne pouvons, et pour une part
seulement, qu’espérer être des porteurs sains
et s’employer à le rester.
Comment identifier les mots du prêt à penser ?
Je ne peux exposer là que quelques pauvres recettes tellement l’immersion dans la langue permet peu la distance et la critique.
1/ Se méfier de la nouveauté langagière(Qui rappelle la nouveauté systématique et forcené de la publicité) .Agiter le concept en tout sens avant l’emploi.
2/ Observer comment se comporte un mot, une notion hors de son champ premier de références linguistique et social
Deux exemples :
Les acteurs économiques.
Les acteurs du chantier de travaux
publics à côté de chez moi.
Ouvrier professionnel premier échelon
Décideur professionnel premier
échelon.
3/ Rechercher les polysémies possibles ,l’étymologie, les jeux de mots de manière à changer la perspective
Exemples :
Les partenaires sociaux
Les Partenaires soucieux
Gestion :de gestare ,porter …gestation
Gestation qualifie le vivant et s’oppose à gestion
Polysémie sur acteur :celui qui fait
Et celui qui fait le spectacle
4/ Essayer le " discours
automatique " en évitant le plus possible la moindre
signification .Le sens idéologique occupe aussitôt
l’espace.
Inventaire inachevé, et quelques mises au point.
Convivialité :
Le concept apparaît au moment où disparaît la solidarité ,la fraternité républicaine.
L’idée suppose un état naturel de bonheur et de béatitude faisant table rase des conflits de classe ou de la cruauté grandissante de la vie sociale.
Festif :
La distanciation du mot en dit long sur l’estime et la valeur qu’il donne à ce qu’il décrit.
" Charles-Henri était assurément d’un naturel convivial et festif "
(Auteur anonyme)
Partenaires sociaux :
Gomme et renverse toute idée de désaccord et à fortiori d’intérêts divergents .La technique ici employée va plus loin que le politiquement correct et inverse totalement le sens premier(on appelle un chat un chien, " la vérité c’est le mensonge " .
D’adversaire de classe, on fait des partenaires sociaux.
Synergie :
Ce que vont réaliser les partenaires sociaux :Une nouvelle forme d’énergie et d’action. La solidarité devient ringarde.
Négocier :
Echanger des engagements comme des marchandises (étymologie négoce).Le contrat remplace le goût, l’affinité, l’accord.
Gérer :
Tout s’assume de manière rationnelle ordonnée et technique selon le modèle du marketing :l’angoisse, la pauvreté, la maladie, le chômage ,la richesse ,la mort.
Plan social :
Le plan d’action (la gestion) Suffit à atténuer puis régler le problème par avance, du seul fait d’être géré .Le remède cache la maladie.
Réguler :
(Les conflits) Enlever la légitimité en imposant des règles à un conflit dont la raison est justement la contestation des règles qu’on lui applique : La concertation négociée le dialogue etc…
Communiquer :
Verbe devenu intransitif . Devoir ,injonction. Un des plus grand blasphème de l’époque n’est sûrement pas d’avoir des choix différents mais de refuser d’en débattre , de refuser de se faire ainsi communiquer.
La communication, faite par une agence du même nom n’est rien d’autre que de la publicité marchande .
L’amalgame est réel entre la publicité et la propagande
puisque la seconde emprunte avec succès les techniques de la
première.
Quartiers sensibles :
Le quartier, et non pas les habitants, a une sensibilité supérieure à la normale ce qui peut sans doute expliquer les évènements qui s’y déroulent.
Se donner les moyens :
Laisse supposer que l’individu ou le groupe dispose des
moyens objectifs nécessaires mais se les refuse lui-même par
son attitude caractérielle. Manière d’évacuer toute
référence aux conditions sociales et politiques extérieures
aux protagonistes (acteurs !)
Quelque euphémismes politiquement corrects :
Non
voyant, sdf demandeur d’emploi ……
…A
suivre